L’avortement dans l’Islam : une pratique haram ?
Cet article propose des pistes de réflexion, en réponse à des questions posées sur l’IVG en lien avec l’Islam, sans pour autant prétendre à une interprétation définitive. Notre site est laïc et indépendant de toute autorité religieuse.
L’islam, à travers ses textes fondamentaux et ses écoles juridiques, adopte une position nuancée mais majoritairement restrictive sur l’avortement. Considéré comme une atteinte à la vie, un don sacré d’Allah, l’avortement est généralement découragé, voire interdit, sauf dans des cas exceptionnels. Petite rétrospective de la question en se fondant sur les principes de la charia et les avis des différentes écoles juridiques.
La sanctité de la vie dans l’Islam
L’islam place la vie humaine au-dessus de tout. Le Coran déclare : « Ne tuez pas vos enfants par crainte de la pauvreté » (17 :31) et interdit de tuer une âme sauf pour une raison légitime (5 :32). Selon des sources variées, l’avortement est vu comme un « crime contre une créature d’Allah », particulièrement après 120 jours de grossesse, moment où l’âme est insufflée au fœtus (certaines écoles affirment qu’elle intervient dès 40 jours de grossesse), selon un hadith rapporté par Boukhari et Muslim. Après ce stade, avorter est considéré comme un « meurtre injustifié », sauf dans des cas très spécifiques.
Les étapes de la grossesse et les règles de l’avortement
Avant 120 jours : une tolérance limitée
Avant l’ensemencement de l’âme (120 jours, soit environ 4 mois, mais certaines écoles considèrent que l’ensemencement a lieu dès le 40ème jour), l’avortement est jugé moins grave par la majorité des savants musulmans. Certaines écoles, comme l’école hanafite, dominante au Moyen-Orient et en Asie centrale, qualifient l’avortement à ce stade de mekrouh (indésirable) plutôt que haram (interdit). Cela permet une certaine flexibilité pour des raisons graves, telles que :
- Un danger pour la santé ou la vie de la mère.
- Des malformations fœtales graves confirmées médicalement.
- Une grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste.
Cependant, même avant 120 jours, l’avortement pour des raisons futiles, comme cacher une fornication ou limiter les naissances par peur des dépenses, est strictement condamné par la charia.
Après 120 jours : une interdiction stricte
Après 120 jours, lorsque l’âme est insufflée, l’avortement devient presque unanimement interdit, sauf si la vie de la mère est en danger. Cette règle s’appuie sur le principe de préservation de la vie établie de la mère, qui prime sur celle du fœtus. Certaines fatwas autorisent également l’avortement en cas de malformations fœtales incompatibles avec la vie.
Les différences entre écoles juridiques
Les quatre principales écoles juridiques de l’islam (hanafite, malikite, chaféite, hanbalite) divergent légèrement sur l’avortement :
- Malikite : Très stricte, interdit l’avortement sauf en cas de danger pour la mère. Certains juristes admettent une possibilité restreinte d’avortement avant 40 jours en cas de motif grave, mais pas pour confort ou convenance.
- Chaféite : avortement déconseillé mais toléré dans certains cas jusqu’à 40, interdit sauf nécessité extrême ensuite.
- Hanbalite : Position intermédiaire, tolère l’avortement avant 40 jours pour des raisons graves, interdit ensuite avec quelques exceptions.
- Hanafite : Plus permissive. Toléré dans certains cas avant 40 jours (motifs valables : santé, viol, gêne sociale importante) et parfois toléré avant 120 jours pour des raisons valables.
Ces différences reflètent une diversité d’interprétations, mais toutes convergent vers une forte restriction après 120 jours et une limitation forte avant cette période.
L’avortement dans les pays musulmans
Dans le monde musulman, l’avortement est souvent strictement réglementé. Environ 80 % des femmes du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord vivent dans des pays où l’avortement est limité, principalement autorisé pour sauver la vie de la mère ou préserver sa santé physique ou mentale. Seuls la Turquie et la Tunisie permettent l’avortement volontaire, mais même là, les femmes font face à des jugements sociaux et à des pressions religieuses. Dans la majorité des pays musulmans, l’avortement reste haram.
Une décision encadrée par la consultation
L’islam insiste sur l’importance de consulter des médecins et des savants religieux avant de prendre une décision. L’intention (niyya) joue un rôle central : un avortement motivé par des raisons futiles est considéré comme un péché grave. Les savants modernes tolèrent parfois des exceptions avant 120 jours pour des raisons socio-économiques graves, mais cela reste controversé.
Conclusion : une pratique non valorisée
En résumé, l’islam ne valorise pas l’avortement et le considère comme une atteinte à la volonté d’Allah, qui seul détient le droit de vie et de mort. Bien que des exceptions soient prévues, notamment pour préserver la vie de la mère ou en cas de circonstances extrêmes, l’avortement reste fortement restreint, surtout après 120 jours.
