Le professeur Anthonioz nous livre ici une analyse interessante sur l’ivg médicamenteuse
IVG par médicament ou IVG chirurgicale ?
L’ivg médicamenteuse est-elle moins risquée que l’IVG chirurgicale ? On pourrait le croire, devant la tendance des centres d’IVG à proposer l’avortement médicamenteux aux femmes comme « la solution ».
Des sites internet grand public n’hésitent pas à vanter les mérites de cette méthode sans faire les mises en garde d’usage. Ils font la promotion de l’IVG à « domicile » en ne parlant que des « symptômes » mais pas des « risques » de cette technique d’IVG. Il y est même dit que la femme peut « choisir » librement entre les deux méthodes. Il semble y avoir en France comme une loi du silence qui interdirait aux grands médias (TV, radios, presse) de parler des complications trop fréquentes de l’IVG chimique.
Nous avons interrogé les bases de données de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ou ex-Afssaps qui est un établissement public de l’État placé sous tutelle du Ministère de la Santé en charge de collecter « les incidents et effets indésirables mettant en cause un produit de santé ».
Avec plus de 220.000 IVG par an, il devrait y avoir matière à étude en France. Or, curieusement, on ne retrouve que 3 articles qui traitent de la Mifégyne® (dont le dernier date de 2007). Par contre, nous trouvons 46 articles sur le paracétamol (Doliprane®, par exemple), 127 résultats sur les produits cosmétiques et 282 documents sur la Grippe A !
Dans un de ces 3 articles, l’ANSM recommande toutefois « le strict respect des recommandations concernant les doses, voies d’administration, séquence et modalités de surveillance ». Et de noter que « quelques cas d’infections mortelles ont été rapportés dans un contexte d’utilisation hors AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) de misoprostol (Cytotec®,molécule qui déclenche l’expulsion de l’enfant détruit par Mifégyne®) : 800 microgrammes par voie vaginale »
L’ANSM (ex Afssaps) rappelle également que « la prescription de tout médicament doit obéir aux règles du bon usage incluant le respect strict des indications, contre-indications, mises en garde et précautions d’emploi, telles qu’elles sont définies dans l’AMM ». On s’en serait douté. Mais, hélas, on n’en saura pas plus sur ces « quelques cas mortels ».
Nous déplorons l’absence quasi totale de véritables recherches médicales et de publications en France sur l’IVG médicamenteuse au sujet de laquelle nous recevons de nombreuses plaintes. Il faut aller chercher cette information à l’étranger, alors que la « pilule » RU 486 a été expérimentée et répandue en France par le Dr Beaulieu avant les autres pays. Le distributeur de la Mifégyne® (nom commercial du RU 486 ou Mifépristone) affirme qu’elle est » efficace à 92-95% pour mettre fin en toute sécurité à une grossesse précoce. »
Une étude finlandaise montre que 20% des femmes ayant utilisé la pilule abortive mifépristone (RU 486 = Mifégyne® en pharmacie) ont eu des complications médicales (« Immediate Complications After Medical Compared with Surgical Termination of Pregnancy, » October 2009,114 (4):795-804 Obstetrics & Gynecology).
Des chercheurs finlandais, dirigés par Dr M.Niinimäki de l’hôpital universitaire d’Oulu, ont examiné tous les avortements, chirurgicaux et chimiques, effectués en Finlande jusqu’au 63e jour de gestation en Finlande. Soit 42 619 actes répertoriés dans les registres de santé. Pour identifier et inventorier les complications, les chercheurs se sont intéressés à toutes les patientes hospitalisées pour un avortement et les consultations externes survenant dans les 42 jours après l’avortement. Le système national de dossiers de santé permet aux chercheurs de suivre les résultats médicaux de patients individuels dans le temps.
- L’incidence globale des « événements indésirables » a été quatre fois plus élevée dans l’IVG par médicament que dans l’avortement chirurgical
- 20,0% comparativement à 5,6% (p < 0,001, probabilité inférieure à 1 pour 1000 = hautement significatif).
- Les chercheurs ont constaté que 15,6% des femmes qui subissent un avortement « par médicament » ont des hémorragies donnant lieu à consultation externe ou hospitalisation
- 1,7% ont contracté des infections
- 6,7% avaient des avortements incomplets qui nécessitaient le plus souvent une intervention chirurgicale (5,9%).
- Environ 0,1% des femmes ayant avorté par médicaments ont eu d’autres effets indésirables graves : lésions, maladies thrombo-emboliques (exemple, embolie pulmonaire), morbidité psychiatrique (exemple, dépression, psychoses) ou décès.
Mais il convient de noter que toutes les conséquences psychologiques ou physiques (telle que l’altération de la fertilité) ne se manifestent souvent qu’après plusieurs mois ou plusieurs années après l’IVG (donc longtemps après ces 42 jours d’observation).
Quelques points méritent d’être notés sur le taux des complications. Plus la grossesse est avancée, plus le taux d’infections et d’avortements incomplets augmente. La plupart des patientes de l’étude finlandaise ayant eu des avortements incomplets ont eu ensuite une « évacuation » chirurgicale. Aux États-Unis, la FDA (Food and Drug Administration) déconseille le RU 486 après 49 jours d’aménorrhée (comme en France). Mais les praticiens l’utilisent jusqu’à 63 jours d’aménorrhée et parfois même plus tard sachant qu’ils ont toujours l’option chirurgicale en cas d’échec. Les chercheurs finlandais ont noté que le risque d’hémorragie après avoir pris le RU 486 augmente chez les jeunes mères (20-24 ans).
En comparaison à l’avortement chirurgical, le risque d’hémorragie avec le RU 486 est près de huit fois plus élevé, tandis que la probabilité d’un avortement incomplet est cinq fois plus élevée. Cela ne veut cependant pas dire que l’avortement chirurgical soit sans risque. Environ 5,5% des femmes finlandaises ayant eu des avortements chirurgicaux signalaient au moins un effet indésirable. Le taux d’hémorragie était significativement plus faible (2,1%) que celui d’avortement incomplet (1,6%), mais le taux d’infections étaient sensiblement le même (1,7%). Comme on pouvait s’y attendre, le taux de lésions dues aux avortements chirurgicaux a été environ 20 fois supérieur à celui des avortements chimiques.
Dr Philippe ANTHONIOZ : ancien Professeur d’histologie, d’embryologie et cytogénétique à la faculté de médecine de Tours,CES de Gynecologie, Chef de service honoraire.