Doit-on réduire le nombre d’IVG en France ?

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Une évolution législative constante vers la banalisation

L’avortement est un sujet particulièrement difficile à aborder dans la société française aujourd’hui. Si la population semble attachée durablement à la liberté des femmes d’avorter, ce qui n’était pas le cas en 1975 lorsque la première loi dépénalisant l’IVG fut votée, il reste pourtant largement admis que « la meilleure IVG est celle que l’on peut éviter », comme l’a déclaré le Pr. Israël Nisand dans le quotidien Libération il y a quelques années. De nombreux témoignages de femmes montrent ainsi qu’un avortement reste souvent une épreuve douloureuse, certaines regrettent même d’avoir pris cette décision. Il semble donc que la réduction du nombre des IVG pratiquées en France pourrait être un objectif de santé publique en mesure de rassembler une grande majorité des suffrages.

Une série d’articles tentera de faire un point sur l’opportunité et la possibilité de réduire maintenant le nombre des avortements en France, en examinant différents aspects : l’évolution de la législation française sur l’IVG depuis la première loi de 1975 ; les conséquences de l’IVG à partir de témoignages de femmes ; le rôle des pères et de l’entourage familial ; le point de vue du corps médical ; le rôle de la contraception et ses interférences avec la pratique de l’IVG. Enfin nous proposerons quelques voies possibles en vue de réduire le nombre des IVG en France.

La loi Veil, icône d’un autre âge ou cheval de Troie ?

La loi de 1975, dite loi Veil, reste la référence en matière de législation sur l’IVG en France. Cela semble paradoxal si l’on se réfère au texte même de cette loi, qui n’a plus grand-chose à voir avec la pratique légale en 2020.

D’un acte dépénalisé à un droit fondamental

La loi de 1975 s’ouvre par un préambule qui « garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie » … en-dehors des cas de nécessité prévus par ladite loi. L’objet de cette loi initiale est donc de dépénaliser l’avortement – et non de l’autoriser – dans les seuls cas de détresse, afin de permettre des interventions médicalisées et de protéger ainsi la santé des femmes.

En 2014, la notion de détresse a été supprimée de la loi, et l’avortement a été érigé au statut de « droit fondamental ».

La loi initiale, compte tenu de la gravité de l’acte d’avortement, prévoyait plusieurs mesures de prévention : entretiens préalables, délai de réflexion, information sur les solutions alternatives comme l’adoption et sur les aides dont peuvent bénéficier les femmes enceintes et les mères de famille. Les IVG ne pouvaient être réalisées que par des médecins dans des établissements hospitaliers. En outre la liberté de conscience était garantie pour le personnel médical qui ne souhaitait pas participer à ces actes.

Or plusieurs de ces restrictions ont maintenant disparu ou ont été largement assouplies suite à des modifications successives de la législation. En 2020, l’entretien préalable – sauf pour les mineures – et le délai de réflexion pré-IVG ne sont plus obligatoires en matière d’IVG, pas plus que la fourniture d’informations sur les solutions alternatives et les aides possibles pour les femmes enceintes. Les IVG sont devenues entièrement gratuites.

Un délai légal allongé mais toujours trop court

Le délai légal de l’IVG en France, initialement de dix semaines de grossesse dans la loi de 1975, a été porté à douze semaines en 2000. L’allongement du délai à cette époque avait été controversé : il fut souligné, par exemple, que l’intervention chirurgicale devient alors plus lourde, nécessitant une anesthésie générale et une fragmentation du fœtus, avant aspiration par une canule plus grosse.

Une proposition de loi a été approuvée par l’Assemblée nationale en première lecture le 8 octobre 2020, en vue d’allonger encore ce délai de douze à quatorze semaines. Les mêmes objections déjà soulevées vingt ans auparavant sont pourtant de nouveau réapparues lors des débats. L’objectif de ces allongements successifs est lui aussi toujours le même : éviter que certaines femmes, hors délai, se retrouvent contraintes d’aller avorter à l’étranger. Cependant, jusqu’où faudra-t-il allonger ce délai pour couvrir tous les cas ? Peut-on négliger les alertes lancées pour dénoncer les conséquences plus graves des avortements plus tardifs ?

La même proposition de loi prévoit également la suppression de la clause spécifique de liberté de conscience permettant à un membre du corps médical de ne pas participer à une IVG si cela heurte ses convictions personnelles.

Interruption ou arrêt ?

Pourquoi avoir choisi, dès le début de cette longue évolution législative, une dénomination trompeuse ? Le nom « interruption » désigne en effet la suspension temporaire d’un processus qui reprendra plus tard. Or l’IVG consiste bien en l’arrêt définitif d’une vie à un stade précoce, bien entendu sans perspective de reprendre cette vie par la suite. A-t-on ainsi voulu laisser, plus ou moins consciemment, une porte ouverte sur la possibilité d’une autre grossesse ultérieure, afin de minimiser l’acte d’avortement ? Mais il s’agirait bien alors d’une autre vie, pas de celle à laquelle on a mis un terme. Une telle inadéquation de la dénomination officielle de l’acte ouvre la porte au doute dès l’origine de la longue série des lois sur l’avortement.

Une avance à marche forcée, non sans dégâts

Tout bien considéré il apparaît clairement, sur une durée de quarante-cinq ans, une volonté de rendre l’avortement sans cesse plus accessible, aux points de vue légal, moral ou éthique, pratique et financier. Les législateurs successifs se sont attachés à faire tomber une à une les barrières pouvant en limiter l’accès. Cette évolution à marche forcée au nom du droit des femmes à disposer de leur corps laisse pourtant des victimes au bord du chemin. On constate, pour peu qu’on veuille bien s’en donner la peine, que de nombreuses femmes ayant subi un avortement le regrettent, parfois de nombreuses années plus tard, mais peinent à faire entendre leur souffrance.