Info IVG - des conseillers à votre écoute - 7j/7 de 9h à 23
Logo IVG.net

IVG et santé mentale : ce que dit la psychologie

Mise à jour : 09/04/2025        Temps de lecture : 4 min

On entend trop souvent aujourd’hui des discours lénifiants sur l’avortement. Il ne serait qu’une simple intervention médicale, comme une autre, qui aurait peu de conséquences pour la femme. Les conséquences étant envisagées uniquement au niveau du corps. Pourtant, la psychanalyste Danielle Bastien dans une étude intitulée « “J’ai tué mon enfant” ou “l’avortement et l’impossible du deuil des mères” », nous montre que l’avortement touche en profondeur la psychologie et l’inconscient de la femme, provoquant ce que l’on appelle le syndrome post-IVG. Danielle Bastien nous livre ici une lecture psychanalytique de l’avortement qui ne peut pas être ignorée.


Du Planning Familial à l’étude sur le syndrôme post-ivg

Danielle Bastien, psychanalyste exerçant dans un centre du Planning Familial, a observé des femmes en demande de soutien psychothérapeutique. Elle a établi un lien entre leurs souffrances et un avortement parfois datant de plusieurs années. Son travail vise à comprendre les mécanismes du traumatisme psychologique post-IVG pour aider les femmes à surmonter un « deuil impossible ».


L’ambivalence inconsciente au cœur de l’IVG

Bastien s’appuie sur le concept d’ambivalence inconsciente, repris de la psychanalyste Michèle Benhaïm. Ce concept désigne le fantasme d’infanticide inhérent à la maternité, mêlant des émotions contradictoires comme l’amour et la haine, la tendresse et l’agressivité. Lors d’un avortement, cette ambivalence peut resurgir violemment, rendant conscient l’amour porté à l’enfant, même s’il est « refusé » pour des raisons impérieuses. Ce conflit intérieur peut engendrer un syndrome post-IVG, caractérisé par une souffrance psychique durable.


Témoignages de femmes : le poids du syndrome post-IVG

Danielle Bastien illustre son propos avec le cas de Mme B., une femme qui, après son avortement, exprimait un profond sentiment de culpabilité :

« Elle nous avait déposé son impossibilité à être mère sur un mode de détachement qui nous avait étonné. Comme si elle n’était pas tout à fait présente dans sa demande, en étant pourtant certaine de sa décision. Nulle part d’ambivalence consciente, de peur, d’agressivité. Nos questions semblaient glisser sur elle sans la déranger. L’intervention terminée, c’est une des premières qui me parla de« crime », me répétant sans cesse « je l’ai tué, j’ai commis un crime, je ne pense plus qu’à ça, je n’arriverai jamais à y penser autrement ».

Ce témoignage révèle l’ampleur du traumatisme psychologique, souvent minimisé dans les discours médicaux.


L’influence de l’entourage et des professionnels

La décision d’avorter est rarement isolée. Elle est influencée par le cercle familial, amical, mais aussi par les accueillantes, assistantes sociales et psychologues. Ces derniers, malgré une posture théorique de neutralité, peuvent projeter leurs propres visions de la maternité, influençant ainsi la décision de la femme. Cette dynamique complexifie le processus psychologique entourant l’IVG. C’est pourquoi pour Bastien, l’IVG peut être perçue comme un « rituel sacrificiel », impliquant la mère, l’enfant, mais aussi l’entourage et les professionnels de santé. Ce rituel est alors une œuvre collective qui a pour objet l’enfant et sa mère. Nombreuses sont les personnes qui influencent la décision de la mère parmi lesquelles on trouve en premier lieu les membres du cercle familial et amical mais aussi les « accueillantes », les assistantes sociales et les psychologues.

Les confidences que celles-ci reçoivent ne manquent pas de faire écho à leur propre vision de la maternité. Comment, dans ces conditions, assurer que la posture théorique de « neutralité » des accueillantes n’influencerait pas la décision de la mère ?


Le rôle du temps dans la psychologie de l’avortement

Le temps joue un rôle clé dans l’expérience psychologique de l’IVG. Danielle Bastien note que l’angoisse augmente avec le temps d’attente avant l’intervention, reflétant une incertitude sur le désir réel de la femme : « Mais si j’attends, je pourrais changer d’avis… Suis-je vraiment sûre de ma décision ? » Cette période d’attente peut exacerber le conflit intérieur et compliquer le processus de deuil.


Le vocabulaire médical : une tentative d’aseptisation

Le corps médical utilise souvent un langage codé, comme « matériel incomplet » ou « matériel aspiré », pour désigner le fœtus. Ce vocabulaire, censé dédramatiser l’acte, peut paradoxalement entraver le travail psychique nécessaire au deuil. Le corps de la femme devient le « théâtre » d’un acte perçu comme sacrificiel, amplifiant la charge émotionnelle.


L’IVG médicamenteuse : une fausse simplification

Certaines femmes optent pour une IVG médicamenteuse (via la Mifegyne ou RU-486) dans l’espoir de minimiser la portée symbolique de l’acte. Cependant, Bastien souligne que cette méthode confronte la femme à la réalité physique de l’expulsion du fœtus, des membranes amniotiques et du placenta, souvent seule. Ce face-à-face avec le « réel du corps » peut intensifier le traumatisme psychologique.


Les témoignages en ligne : une parole libérée

Malgré la médicalisation et les discours de « déculpabilisation », de nombreuses femmes nous partagent leur souffrance psychologique après un avortement. Ces témoignages mettent en lumière l’impact psychologique durable de l’IVG, souvent occulté dans les discours officiels.


L’analyse des experts : Nisand, Letombe et Marinopoulos

En mars 2012, les gynécologues Israël Nisand et Brigitte Letombe, ainsi que la psychanalyste Sophie Marinopoulos, ont publié une tribune dans Libération. Défenseurs de l’IVG, ils dénoncent la banalisation de ses impacts psychologiques. Ils affirment : « Nous ne pouvons pas laisser dire que les femmes qui y ont recours ne sont pas marquées, d’une façon ou d’une autre, par cette expérience. » Leur expérience clinique montre que la souffrance psychique peut persister des années, même si les femmes semblent « aller bien » dans les enquêtes.


Contre la banalisation de l’IVG

Nisand et ses collègues critiquent la tendance à réduire l’IVG à un acte purement physique, ignorant ses répercussions psychiques. Ils rejettent l’idée que l’avortement puisse être un « événement fondateur » pour les femmes, soulignant que la santé psychique ne se mesure pas seulement par des statistiques. Ils appellent à reconnaître les difficultés psychiques post-IVG et à mieux accompagner les femmes.


Repenser l’accompagnement psychologique des femmes

L’analyse de Danielle Bastien met en évidence la nécessité de repenser l’accompagnement des femmes en demande d’IVG. Les manifestations dépressives et les troubles psychiques associés au syndrome post-IVG ne peuvent plus être ignorés. Un regard plus objectif sur les impacts psychologiques de l’avortement est nécessaire, même si cela va à l’encontre de certains discours médicaux actuels.


Conclusion : reconnaître les risques psychiques de l’IVG

L’IVG est un acte complexe, loin d’être anodin sur le plan psychologique. Les travaux de Danielle Bastien et les témoignages des cliniciens montrent que le syndrome post-IVG touche de nombreuses femmes. En reconnaissant ces impacts, il est possible d’offrir un accompagnement plus adapté, permettant aux femmes de mieux traverser cette expérience.

Source : Bastien Danielle, « J’ai tué mon enfant, ou l’avortement et l’impossible du deuil des mères », in Weil Dominique, Mélancolie : entre souffrance et culture, Strasbourg, PUS, 2000.


Unknown RichText node: %{tag: "img", attrs: %{"data-mce-placeholder" => "1", "data-wp-emoji" => "1", "decoding" => "async", "src" => "https://s.w.org/images/core/emoji/15.1.0/svg/1f449.svg"}}
Notre conseil : Vous souhaitez pratiquer une IVG ? Vous êtes proche de la limite des délais ? Vous avez des doutes ? L’IVG présente des risques, parlez-en avant d’agir. N’hésitez pas à appeler le 0 800 202 205. Notre association offre gratuitement et confidentiellement une écoute et des conseils à toute femme en demande d’avortement.

J‘ai une question ?
Les équipes d’IVG.net sont à votre écoute 7j/7 de 9h à 23h
Appel anonyme et gratuit
Vous pourriez aussi être intéressés par :
J‘ai une question ?
Les équipes d’IVG.net sont à votre écoute 7j/7 de 9h à 23h
Appel anonyme et gratuit
Suivez-nous sur les réseaux
© SOS Détresse - 2025